La playlist de… Jean-Gabriel Périot

 

Réalisateur, scénariste, monteur, né en avril 1974
« Quel exercice difficile ! ... Il y a une bonne dizaine (voir centaine ?) de films
dont j'aurais voulu parler… »

Naissance d'une nation, Le Cuirassé Potemkine, L'Homme à la caméra.
Ces trois films sont, à mes yeux, les films les plus importants de l'histoire du cinéma, car leurs réalisateurs ont inventé le langage cinématographique tel qu'il existe encore aujourd'hui. Pour Naissance d'une nation, Griffith va créer la plupart des techniques filmiques et narratives de base du cinéma (du gros plan au montage parallèle) et rompt avec la théâtralité qui prévalait jusque-là. Eisenstein est lui aussi un grand inventeur d'outils et de techniques cinématographiques, mais contrairement à Griffith qui se met au service d'une idéologie infecte (Naissance d'une nation est un film de suprémaciste blanc), il défend les idéaux révolutionnaires communistes que le cinéma doit exalter. Vertov prônera lui un cinéma devant être en lui-même un art révolutionnaire (plutôt qu'un art au service des idéologies). Dans L'Homme à la caméra, il place la technique cinématographique au cœur même du dispositif narratif et le film devient alors une représentation technique et révolutionnaire du monde réel.

Hiroshima mon amour, Le Mépris.
Simplement les deux plus beaux films du monde (par deux des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma).

L'Évangile selon Saint Matthieu.
Il n'est pas facile de choisir dans la filmographie d'un maître comme Pasolini, chacun de ses films nous engageant de manière totalement différente. Voir Mamma Roma, Médée ou Théorème ne relève pas de la même expérience… Si je choisis de mettre en avant L'Évangile selon Saint Matthieu, c'est à la fois pour le tour de force politique que représente ce film et pour les visages magnifiquement filmés par Pasolini.

Portrait.
C’Est le premier film de Loznitsa que j'ai vu et ce n'est pas rien d'écrire que ça a été un choc. Dans ce film magnifique, il filme des paysans isolés du nord de l'ex-Union soviétique le long de quatre saisons. Un film puissant qui tisse silence, visages et nature.

Trouble Every Day, Hors Satan, Nocturama.
Denis, Dumont et Bonello sont pour moi trois des réalisateurs contemporains les plus intéressants. Ce sont des cinéastes qui poursuivent, de film en film, leurs obsessions narratives et cinématographiques mais qui n'ont cependant pas peur de bifurquer inopinément et radicalement. Ce sont des cinéastes des corps, et les trois films indiqués sont même trois films sur les corps « violentés », ou pour le dire autrement, trois films sur la fragilité des corps face à l'agressivité du monde.

Une affaire de famille.
En termes de cinématographie nationale, le cinéma japonais a de loin ma préférence. J'y suis particulièrement sensible, ce qui rend difficile de choisir à peine quelques films ou quelques réalisateurs… J'ai donc choisi de mettre en avant le dernier grand film japonais que j'ai pu voir. Une affaire de famille m'a profondément touché car avec ce film, Kore Eda affirme que les familles, et au-delà tout groupe social, peuvent être (et devraient être) construites à partir de choix d'élection réciproque. Des relations humaines fondées sur l'amour, l'amitié et la tendresse sont plus fortes que la pauvreté ou la marche folle et destructrice du monde contemporain.

 

Jean-Gabriel Périot
pour le site internet de l’ADAV
Septembre 2019